Par deux arrêts récents la Cour de cassation vient de rappeler l’obligation de motivation des décisions d’exclusion d’un associé coopérateur.
La jurisprudence a depuis longtemps fixé la règle selon laquelle le juge dispose du pouvoir d’apprécier la validité ou la gravité du manquement du coopérateur en s’assurant également que les droits à une procédure équitable ont été respectés. (CA Reims 03/03/1975 ou Cassation 1ère civ 08/11/1976)
Selon l’article L521-3 du Code rural les statuts doivent comporter des dispositions spécifiques sur les conditions de retrait ou d’exclusion d’un associé et le Règlement Intérieur doit définir la nature des manquements et griefs susceptibles de justifier une sanction pouvant aller jusqu’à l’exclusion.
Le décret du 21 décembre 2016 modifiant le droit des coopératives agricoles a conduit à l’adoption de statuts-type homologués par arrêté ministériel du 28 avril 2017.
On retrouve désormais dans l’article R522-8 du Code rural la définition selon laquelle : « L’exclusion d’un associé coopérateur peut être prononcée pour des raisons graves, notamment si l’associé coopérateur a été condamné à une peine criminelle, s’il a nui sérieusement ou tenté de nuire à la société par des actes injustifiés ou s’il a falsifié les produits qu’il apportés à la coopérative.»
Dans la première décision (Cassation civ 1ère 06/12/2017 N°16-20680) la Cour de Cassation s’est prononcée sur deux questions distinctes : elle s’attache tout d’abord à vérifier que les règles de transparence procédurale ont été respectées et notamment les conditions du vote qui a présidé à une première décision sanctionnant une associée coopératrice pour avoir vendu du raisin en dehors de la coopérative. En l’espèce, la sanction est annulée car le procès-verbal de la réunion du Conseil d’administration ne mentionnait pas la répartition des votes.
Ultérieurement, cette même viticultrice était exclue par une nouvelle décision du Conseil d’Administration. Cette fois-ci, c’est la motivation de la sanction qui est en cause. La Cour d’Appel jugeait en effet que le motif n’était pas d’une gravité suffisante pour justifier une décision d’exclusion. Le juge du fond a pris en compte « l’ancienneté de l’associée au sein de la coopérative et l’absence d’impact du manquement sur la qualité et la notoriété des produits. » La Cour de Cassation approuve cette motivation qu’elle juge suffisante.
Dans la seconde décision (Cassation civ 1ère 17/01/2018 N°16- 12872), la Cour de Cassation s’est prononcée à nouveau sur le bien fondé d’une décision d’exclusion et tout particulièrement sur la notion de « récidive ». La sanction était motivée par une absence de livraison de la production du coopérateur, producteur maraicher, « au cours de la campagne 2011. » Cette motivation ne caractérise pas selon la Cour suprême une volonté réitérée de ses soustraire aux engagements de livraison exclusive à la coopérative.
La Cour de cassation fait donc preuve d’une certaine bienveillance à l’égard des associés coopérateurs. Il appartient aux coopératives d’en tenir compte et de veiller non seulement au respect strict des règles procédurales mais également de justifier de la gravité du manquement en caractérisant sans doute cette « gravité » au regard des pratiques habituelles du secteur de production concerné.
Jean-Pierre DEPASSE
Spécialiste en Droit Rural
Article rédigé le 4 avril 2018